Marion Dutilleul

LAURENCE

– 2020 –

Elle me prépare son lit quand je viens à Paris. Elle me remet son double de clés, il n’y a rien à expliquer. Je sais déjà où est le jus de fruits, la vaisselle, le poivre gris et le gros sel. Je connais déjà ses manières, je sais déjà qu’il n’y en aura pas. Je sais déjà qu’elle arrivera à l’improviste avec le petit déjeuner, s’il n’est pas déjà prêt. Je sais qu’elle se fout de ma tasse dans l’évier, car elle sait que dans quelques heures tout sera nettoyé. Je sais qu’il y a ce grain de folie partagé, cette spontanéité, et cette absence de jugement, qui me plaît. J’aime nos confidences tout autant que nos silences. Elle me parlera de ce mec, c’est certain. Elle me demandera sûrement où je serai le lendemain. Elle lira ses poèmes du fauteuil d’à côté, pendant que – doucement mais sûrement – je partirai avec Morphée. Elle mettra la musique, elle chantera, et moi aussi ça m’arrivera. Parfois elle parlera, et je ne serai pas tout à fait là, plus tout à fait là. Elle le sait. Je le sais. On s’y fait, et on s’en fout. Surtout. Laurence, c’est ce petit bout de femme qui dans ma vie fait toute la différence.

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